Ces classiques qui ont fait un flop.

Lorsqu’on pense aux grands standards de la chanson, on a tendance à croire qu’ils se sont naturellement imposés d’eux même à leur sortie. Ça n’a pas pourtant toujours été le cas. Beaucoup de chansons considérées aujourd’hui comme des grands classiques ont bien failli tomber dans l’oubli.

Pochette de disque des Feuilles Mortes interprétée par Yves Montand

C’est le cas des feuilles mortes de Prévert et Kosma.
Au départ la chanson figure dans le film de Marcel Carné Les portes de la nuit (1946) où elle est fredonnée par Yves Montand (Diégo) et Nathalie Nattier (Malou).
Mais le film est un échec commercial et la chanson est totalement ignorée par la critique, ce qui ne manquera pas d’ulcérer Jacques Prévert. Même Montand, qui maintient la chanson à son répertoire, n’arrive pas à l’imposer et fait un bide à chaque fois.

Il faut attendre 1949 et l’adaptation en anglais de Johnny Mercer pour que Les feuilles mortes, devenu Autumn leaves, deviennent un classique incontournable.
Aux états unis tous les grands jazzmen s’en emparent (Duke Ellington, Miles Davis, Chet Baker…) et font de la chanson un véritable standard.
Les feuilles mortes deviennent alors le classique que l’on connaît et compte à ce jour plus de 600 interprétations différentes.

Pochette de l'album de Serge Gainsbourg: Histoire de Melody Nelson

Parfois ce n’est pas une chanson mais un album tout entier qui est boudé par la critique et incompris du grand public. C’est ce qui arriva à Histoire de Melody Nelson, l’album de Serge Gainsbourg aujourd’hui devenu culte.

En 1970, Gainsbourg propose à Jean Claude Vannier de collaborer sur un projet musical encore très vague intitulé Melody Nelson. Ensemble ils composent la musique et Gainsbourg écrit les textes.
Le résultat est très (trop ?) moderne pour l’époque et Gainsbourg et Vannier sont extrêmement enthousiastes. Pourtant, à sa sortie en 1971, c’est le flop. Les ventes ne décollent pas.
Son format court (28 minutes et seulement 7 titres) déconcerte les programmateurs radio qui n’y voient aucun “tube” potentiel. Quant au public, il est un peu dérouté par le côté moderne et avant-gardiste de l’album.

Il faudra attendre plus de 10 ans pour que Histoire de Melody Nelson soit enfin reconnu à sa juste valeur (surtout par des artistes anglo-saxons) et devienne enfin disque d’or en 1983.
Mais ce n’est qu’après la mort de Gainsbourg que cet album devient culte au niveau international lorsque des groupes comme Placebo, Pulp, Portishead s’en inspirent et le citent comme influence.

Comme quoi, écrire une belle chanson c’est bien, mais ça ne suffit pas ! Encore faut-il qu’elle trouve son chemin vers le public, et que celui-ci soit prêt à l’accueillir. Le chemin est parfois long et semé d'embûches, même lorsqu’il s’agit d’artistes déjà établis. On peut alors facilement imaginer le sort d’une chanson (même sublime) lorsque l’artiste est très peu connu.
Qui sait le nombre de petits chefs-d'œuvre qui dorment aujourd’hui dans les placards des radios et des maisons de disque ? Il n’y a plus qu’à espérer un coup de pouce du destin pour un jour nous les faire enfin découvrir.